GÉRALDINE NAKACHE ARRÊT IMAGE SUR UNE DRÔLE DE VIE.

Par redaction

24/09/2023

Si elle continue de s’élever avec brio sur petits et grands écrans, Géraldine Nakache a tout d’une icône de style. Résolument moderne, l’actrice française affiche aujourd’hui son goût pour la mode et s’amuse adroitement de ses codes.  En first row des défilés, sur les tapis rouges, dans la presse ou sur les réseaux, Géraldine n’en finit plus de briller par sa sensibilité, son charme et son humour détonant. Entretien d’une fine esthète et polymathe accomplie.

Quand on te suit sur Instagram, la justesse avec laquelle tu balances entre glamour et humour est saisissante. Comment définirais-tu ton rapport à la mode ? 

Quand il est question de mode, je suis de l'autre côté du périphérique. Je me demande encore si j’ai vraiment le droit, je n’assume pas toujours entièrement et pour ça l’humour me sert de bouclier. Quand c’est la convention, par exemple au festival de Cannes, je sais qu’il est plus facilement accepté d'une actrice qu’elle se prête au jeu. Les américaines le font avec moindre mal, mais si tu arrives full glam à une avant première les français vont vite se demander si tu te prends pour Zendaya (rires). Quand la mode n’est pas ton métier, c’est difficile d’assumer son intérêt. Plus jeune, je pensais admirer les marques sans comprendre qu’en réalité c’était la mode qui me plaisait. Aujourd’hui, je peux affirmer aimer la mode quelle que soit la marque. Je m'intéresse plus au vêtement et la manière dont je me livre en fonction de mes looks -  j’aime la conception, les matières, la créativité, l’histoire... Quand j’ai la chance d'être invitée à des défilés, je vois le travail du designer et la pression monumentale pour sept minutes de show, là où dans le cinéma je travaille six ans sur un film d'une heure et demie. D’un coup, mon amour pour la mode devient très cohérent, il s’agit aussi de traduire son inspiration en art et espérer que le public nous comprenne. 

Depuis petite, tu cultives un amour pour le vêtement qui semble perdurer. Tu peux nous parler de l’évolution de ton style et nous partager un intemporel, une acquisition récente et un objet de désir ? 

A l’époque de mes premiers sous, j'achetais les choses dont je rêvais, des vêtements que je ne pouvais pas forcément porter en me disant “Ça, je le veux” - comme des symboles d’accomplissement. Aujourd'hui, j’achète des choses qui me vont. En rangeant mon dressing, je me suis aperçue que j'avais quatre pulls gris. Les mêmes. D’Uniqlo à Eric Bompard en passant par le basique Monoprix, mais ce sont les mêmes. J'ai des petites lubies qui racontent mon âge et la précision de mon goût aussi. Pour l’intemporel, je dirais donc un bon jean. Ça a toujours été un sujet pour moi - je fais 1m60 mais j’ai des hanches donc c’est une véritable quête. Quand j'étais plus jeune, il ne fallait pas que ce soit cher mais ce n'était pas encore la mode du 501 vintage à 20 balles. Je me demandais comment j’allais faire pour m'acheter mon jean Helmut Lang et quand j’ai eu les moyens de le faire, il ne m’allait pas du tout mais je l’ai quand même acheté ! Une acquisition récente : c’est tout bête mais des t-shirts chez Uniqlo. Blancs, choisis chez l’homme dans un coton bien épais. A m’entendre, on dirait que je suis Jean Touitou d’APC (rires). Et enfin, un objet de désir : je viens de shooter avec une pièce Loewe - une robe grise en cachemire. Ce que fait Jonathan Anderson (designer de Loewe), c’est de la poésie. Récemment, le travail de sa collection inspirée par les fleurs m’a bouleversé. Je ne me verrais pas l'acheter, mais je trouve que l’histoire qu’elle raconte et sa précision, la rend extrêmement désirable. Il doit être chouette Jonathan, pour faire des vêtements si émouvants.

Produit de la classe moyenne, tu es aujourd’hui une figure de mode et le modèle d’une féminité résolument moderne. Toi qui en est largement inspirée, quel sentiment éprouve t-on à entrer dans la pop culture ?

C’est la réappropriation qui m’enchante. A chaque fois que j’écris ou incarne un rôle, je ne cherche pas le gimmick et je ne me dis jamais que ça va se balader. Quand je tombe sur des scènes coupées de Tout ce qui brille sur Tiktok (le culte “ta mère la caissière” d’Audrey Lamy), quand on m’interpelle d’un “tu vides tes poches”- une réplique que je donne dans Le flambeau, ou que des jeunes filles pensent que Chanson sur ma drôle de vie de Véronique Sanson est un titre de Leila et moi, je suis hallucinée. Ça m'amuse beaucoup de voir comment les gens se saisissent des choses.

Depuis ton premier rôle d’actrice dans Comme t’y es belle et le succès qu’on connaît à ta première co-réalisation avec Tout ce qui brille, ta façon de concevoir ton métier a-t-elle évoluée ?

Elle a évolué parce que le cinéma lui-même a évolué et qu’il ne faut pas trop rester sur de vieilles idées. Quand je fabrique mon premier film en tant que metteur en scène, Tout ce qui brille, j'arrive à un moment où on me laisse la chance de pouvoir le faire. Depuis, le cinéma a été touché par la crise sanitaire et économique. Si les salles sont désertées, c’est certes dû à l'arrivée des plateformes digitales - qui proposent des choses formidables -  mais surtout parce que le cinéma coûte cher. Aujourd’hui quand j'écris, j’essaie de garder à l’esprit la manière dont le public consomme les choses même si j’ai l'impression qu'il y aura toujours de la place pour le cinéma. Ça reste une expérience unique :  tu es dans le noir, tu partages une émotion forte à côté d'un illustre inconnu qui sera assis derrière toi… Surtout, je m’interroge sur la nécessité de faire exister les histoires qui m’animent - c’est utile pour moi mais est-ce que ça servira aux autres ? Et puis j’ai la chance de pouvoir me balader entre les différents genres et formats - du film à la série - mais la valeur inchangée reste le travail. Je ne connais pas le secret du succès, je n’ai jamais eu de fulgurance à 4h du matin dans mon lit - depuis toujours chez moi, c’est le travail qui prime. De toute façon, j’aime ce métier précisément parce qu’il n'y a pas de recette, sinon ce serait d’un ennui vertigineux. Même dans les moments plus compliqués - de doutes ou déceptions - l’idée de remettre son titre en jeu et de se retrousser les manches me galvanise. Aujourd'hui c'est toi, demain c'est quelqu'un d'autre - c’est excitant tout ça ! Je ne suis pas de ceux nostalgiques du passé, des “c’était mieux avant”, d’autant moins depuis que j’ai des enfants.

Cette année sortira Le Cours de la vie, dans lequel tu joues notamment aux côtés d’Agnès Jaoui - une femme pour qui tu as toujours eu beaucoup d’admiration. On te sait également très proche de nombreuses actrices françaises. Dans un univers aussi concurrentiel, quelle place et quelle importance pour la sororité ? 

La concurrence existe de fait, puisque nécessairement, si je suis prise pour un rôle alors une autre actrice ne l’est pas. Sauf qu’une fois posé ce constat, la concurrence n’existe plus. Au contraire, on se réjouit de retrouver une bonne partie des actrices de ma génération dans La Flamme - parodie du Bachelor - à jouer ensemble dans les mêmes plans. Cette configuration est extrêmement rare mais c’est un bonheur pour nous. D’ailleurs, les premières questions des journalistes au moment de la promotion concernaient les potentielles tensions pendant le tournage - c’était si déroutant de les voir déçus qu’on avait presque envie d'inventer des histoires pour alimenter la polémique.

En réalité, le choix d’une actrice est intimement lié au désir du metteur en scène, qui la choisit pour sa capacité à incarner le rôle, mais pas contre une autre. C'est peut-être pour ça que j'ai décidé d'écrire, pour éviter que l’attente d’être appelée et désirée me rende folle. La temporalité dans ce métier est très particulière mais encore une fois, depuis que je suis maman je vois les choses différemment. Quelque part, je les attends ces moments où je ne vais rien faire parce que ça signifie que je pourrais être à 16 heures devant l'école de ma fille pour l’emmener manger une crêpe.

Dans ce même film, où la réalité flirte avec la fiction, il est question de vivre passionnément. Quels conseils penses-tu pouvoir donner à la nouvelle génération du cinéma français ? 

C’est difficile de donner un conseil général. Chacun suit une trajectoire qui lui est propre mais je crois que la curiosité livre toutes les réponses. J'ai l'impression de m’être remplie en lisant, en regardant des films et en faisant beaucoup de photocopies lors de mes premiers stages (rires). J'ai compris comment les choses se fabriquaient et j’ai voulu en faire partie. L'observation a été mon chemin. Par exemple, je n’ai pas pris de cours de comédie mais j'ai été très tôt sur des plateaux à occuper des postes différents : à la régie, assistante réal...  Tu peux le faire en étant acteur, en décidant de ne pas aller dans ta loge quand tu n'as rien à faire. Un plateau de cinéma, c'est extrêmement riche parce que c'est le seul travail au monde où tu retrouves dans la même pièce une coiffeuse, un comptable, un acteur, un électricien… Donc il y a de quoi se nourrir. 

Tu participes à la troisième édition de LOL, pour ancrer définitivement le lien entre mode, acting et humour, tu penses livrer ta revisite du défilé des animaux de Gérard Darmon finaliste de la dernière édition?

La carte joker de Gérard est inégalable ! J’adorais le concept de l’émission avant même d’y participer mais à faire c'est presque une épreuve physique, un genre de jeûne de kippour ou de ramadan à tenir absolument. D’être filmée pendant un nombre d'heures infinies avec pour interdiction de rire, accompagnée de gens géniaux qui sont souvent sur mon canapé sans caméra ni contrainte… C’était l’expérience la plus dingue de ma vie. D’ailleurs, j’avais peur d’être déçue du rendu, que ça soit drôle à vivre pour nous mais que les moments passés avec tous ces gens géniaux ne rendent pas pareil à l’écran. Finalement, je trouve le programme très généreux et réconfortant - chacun y trouve sa lumière et Philippe Lacheau est un maestro de rêve. Ça fait du bien de contribuer au rire des autres, parce qu’en réalité il n’y a rien de pire que ça, de ne pas rire.