Depuis petite, tu cultives un amour pour le vêtement qui semble perdurer. Tu peux nous parler de l’évolution de ton style et nous partager un intemporel, une acquisition récente et un objet de désir ?
A l’époque de mes premiers sous, j'achetais les choses dont je rêvais, des vêtements que je ne pouvais pas forcément porter en me disant “Ça, je le veux” - comme des symboles d’accomplissement. Aujourd'hui, j’achète des choses qui me vont. En rangeant mon dressing, je me suis aperçue que j'avais quatre pulls gris. Les mêmes. D’Uniqlo à Eric Bompard en passant par le basique Monoprix, mais ce sont les mêmes. J'ai des petites lubies qui racontent mon âge et la précision de mon goût aussi. Pour l’intemporel, je dirais donc un bon jean. Ça a toujours été un sujet pour moi - je fais 1m60 mais j’ai des hanches donc c’est une véritable quête. Quand j'étais plus jeune, il ne fallait pas que ce soit cher mais ce n'était pas encore la mode du 501 vintage à 20 balles. Je me demandais comment j’allais faire pour m'acheter mon jean Helmut Lang et quand j’ai eu les moyens de le faire, il ne m’allait pas du tout mais je l’ai quand même acheté ! Une acquisition récente : c’est tout bête mais des t-shirts chez Uniqlo. Blancs, choisis chez l’homme dans un coton bien épais. A m’entendre, on dirait que je suis Jean Touitou d’APC (rires). Et enfin, un objet de désir : je viens de shooter avec une pièce Loewe - une robe grise en cachemire. Ce que fait Jonathan Anderson (designer de Loewe), c’est de la poésie. Récemment, le travail de sa collection inspirée par les fleurs m’a bouleversé. Je ne me verrais pas l'acheter, mais je trouve que l’histoire qu’elle raconte et sa précision, la rend extrêmement désirable. Il doit être chouette Jonathan, pour faire des vêtements si émouvants.
Produit de la classe moyenne, tu es aujourd’hui une figure de mode et le modèle d’une féminité résolument moderne. Toi qui en est largement inspirée, quel sentiment éprouve t-on à entrer dans la pop culture ?
C’est la réappropriation qui m’enchante. A chaque fois que j’écris ou incarne un rôle, je ne cherche pas le gimmick et je ne me dis jamais que ça va se balader. Quand je tombe sur des scènes coupées de Tout ce qui brille sur Tiktok (le culte “ta mère la caissière” d’Audrey Lamy), quand on m’interpelle d’un “tu vides tes poches”- une réplique que je donne dans Le flambeau, ou que des jeunes filles pensent que Chanson sur ma drôle de vie de Véronique Sanson est un titre de Leila et moi, je suis hallucinée. Ça m'amuse beaucoup de voir comment les gens se saisissent des choses.
Cette année sortira Le Cours de la vie, dans lequel tu joues notamment aux côtés d’Agnès Jaoui - une femme pour qui tu as toujours eu beaucoup d’admiration. On te sait également très proche de nombreuses actrices françaises. Dans un univers aussi concurrentiel, quelle place et quelle importance pour la sororité ?
La concurrence existe de fait, puisque nécessairement, si je suis prise pour un rôle alors une autre actrice ne l’est pas. Sauf qu’une fois posé ce constat, la concurrence n’existe plus. Au contraire, on se réjouit de retrouver une bonne partie des actrices de ma génération dans La Flamme - parodie du Bachelor - à jouer ensemble dans les mêmes plans. Cette configuration est extrêmement rare mais c’est un bonheur pour nous. D’ailleurs, les premières questions des journalistes au moment de la promotion concernaient les potentielles tensions pendant le tournage - c’était si déroutant de les voir déçus qu’on avait presque envie d'inventer des histoires pour alimenter la polémique.
En réalité, le choix d’une actrice est intimement lié au désir du metteur en scène, qui la choisit pour sa capacité à incarner le rôle, mais pas contre une autre. C'est peut-être pour ça que j'ai décidé d'écrire, pour éviter que l’attente d’être appelée et désirée me rende folle. La temporalité dans ce métier est très particulière mais encore une fois, depuis que je suis maman je vois les choses différemment. Quelque part, je les attends ces moments où je ne vais rien faire parce que ça signifie que je pourrais être à 16 heures devant l'école de ma fille pour l’emmener manger une crêpe.