Kanoé, né pour briller.

Par Dalla Menanteau Ba

11/01/2024

Le petit prodige, découvert à l'âge de 13 ans grâce à son freestyle diffusé sur les réseaux sociaux, a bien grandi. Place désormais à Kanoé, qui marque son grand retour avec Noé, un album fusionnant des beats hypnotiques et une écriture introspective, catapultant l'auditeur dans son univers résolument indomptable.
De la profondeur émotionnelle de Vaillant à l'énergie brute et débridée de Sale môme, cet album est une véritable tapestry sonore, riche en émotions et en narrations captivantes.
Plus qu'un simple retour, c'est la révélation de sa maturité artistique. Comme Kanoé le dit lui-même : « Je veux proposer quelque chose de beau et de sincère. » Barbès Magazine a eu l'opportunité d'interviewer l’artiste dont le nom sera sur toutes les lèvres en 2024

Pourquoi ce retour avec Noé, un mix entre autobiographie et storytelling ?

Kanoé : En studio, en travaillant sur mes morceaux, on a réalisé que l'album tournait majoritairement autour de ma propre expérience, de mon quotidien. Le choix du titre Noé, qui est aussi mon vrai prénom, s'est imposé de manière presque spontanée.En fin de compte, bien que cela n'ait pas été réfléchi et voulu, l'album s'est naturellement transformé en une œuvre personnelle et autobiographique.Le projet, c'est mon histoire, mon vécu.

À quel moment as-tu réalisé qu'il était enfin prêt ?

Kanoé : Quand on a senti qu'il n'y avait plus rien à ajouter. On a atteint un point où tout semblait complet, à l'exception d'un dernier élément - un morceau avec une touche de zumba. Après avoir ajouté le son, l’album était bouclé.

Tu as mis combien de temps à ce qu'il soit vraiment peaufiné ?

Kanoé : Plus d'un an. On était vraiment à fond dedans. Chaque semaine, on se retrouvait en studio, c'était un processus intensif, mais nécessaire pour atteindre la qualité que je visais. On ne se contentait pas de faire les choses à moitié - on a vraiment charbonné. Chaque session était une occasion de peaufiner, d'affiner, de repousser les limites de ce que l'album pourrait être. En fin de compte, cette année et plus de travail acharné se sont traduites par un album qui, je pense, représente vraiment ce que je voulais exprimer.

C'est lequel le son où tu as le plus fait d’aller-retour ?

Kanoé : Dans ma façon de travailler, généralement, je plie un morceau en une seule soirée de studio.Je me présente sans avoir préparé de texte ni savoir sur quelle prod je vais poser. Après avoir écouté la prod, je me mets directement à l’écriture. S'il y a besoin de retouches sur certaines parties du texte, je peux toujours revenir pour les ajuster.Mais la plupart du temps, le processus est direct et fluide, et cela a été le cas pour cet album comme pour mes projets précédents. Je ne suis pas le genre d'artiste à produire une quantité excessive de morceaux pour ensuite en choisir seulement une partie. J'en crée un nombre limité, et je les sélectionne tous pour l'album, car chacun d'eux représente quelque chose que j'apprécie vraiment. Si j'avais produit plus de morceaux, ça aurait été trop dur de choisir.Mon approche, c'est de créer des sons qui me plaisent réellement, et une fois sorti du studio, si j'aime le résultat, alors il fait partie de mon projet. C'est cette authenticité qui me guide dans ma création musicale.

Parle-nous de ta collaboration avec Ambitous.

Kanoé : J'ai rencontré Ambitous lors d'un séminaire au studio Redbull il y a quelque temps. Nos premières interactions n'étaient pas faciles, on a tous les deux des grandes gueules et ça ne fait pas bon ménage. À cette époque, j'avais encore des attitudes un peu immatures.

Notre collaboration a été suggérée par mon ancien manager, et une fois en studio, notre entente est devenue évidente.

Dans le processus de création, c'est moi qui écrivais les textes, mais Ambitous a joué un rôle crucial dans la reformulation de certaines phrases.

Par exemple, si je proposais quelque chose de trop simple, il me poussait à aller plus loin, à trouver une tournure plus percutante. Il avait aussi des idées géniales, comme me suggérer de me poser des questions dans mes textes pour créer une connexion plus forte avec l’auditeur. C’était incroyable de travailler avec lui a été une expérience enrichissante. C'est comme avoir un grand frère musical à mes côtés.

On sent vraiment la maturité et l’évolution dans cet album, toi quel regard portes- tu sur ta propre évolution ?
 
Kanoé : Naturelle. Ce n'était pas une décision consciente de dire « il faut que je grandisse ».
C'était plutôt un changement spontané dans mes envies et mes aspirations, qui s'est naturellement reflété dans ma musique. Cet album est le reflet de ce que j'aime vraiment faire.
J'ai été impliqué dans chaque aspect de sa création, et tout a été fait selon mes ressentis et mes préférences. C'est une expression authentique de qui je suis maintenant, un mélange de maturité et de fidélité à mes goûts et mes idées.
 
Parlons de ton seul featuring.
 
Kanoé : Avant ma pause, j'étais encore vu comme le petit ; après, les perceptions ont changé. Les rappeurs avaient une autre image de moi, et bien sûr le monde est méchant, si on ne te voit pas pendant un an et demi, on oublie, on ne collabore pas. Mais Jey Brownie, lui, il a eu le courage de travailler avec moi, et je suis vraiment heureux de l'avoir sur le projet.
 
Tu vas garder la même lancée, surtout au niveau de ta DA ?
 
Chaque élément de cet album vient de moi. Je n'ai pas forcé le processus pour aborder des sujets ou des thèmes spécifiques. Pour la direction artistique, elle me plaît telle qu'elle est, donc je n'ai pas l'intention de la changer. Erwan Blaszka, qui a créé la cover de l'album, a capturé mon essence parfaitement. Je voulais quelque de simple, sans artifices, qui me représente juste tel que je suis. Le travail qu'il a fait est incroyable.
Noé de A à Z c’est 100% moi.

Tu ouvres ton album sur le morceau de ton album éponyme Noé où tu nous parles de ton enfance à Paris, ta relation avec ton père et ta mère. C’était important pour toi de parler de ces thèmes ?

Je pense que c’est de l’inconscient. Quand je suis arrivé en studio pour travailler sur l'intro de l'album, je n'avais pas un plan précis. Mais en écrivant, ces sujets personnels se sont imposés d'eux-mêmes. Le morceau Noé à la base s’appelait Intro parce que c’est ma life, mais on a décidé de le changer. Il pose directement les bases de ce que je suis, ce qui me permet ensuite de développer les autres sujets de l'album de manière plus approfondie.

Dans Noé, tu arrives à créer un vrai sentiment d'intimité. En seulement trois ou quatre minutes, on a l'impression d'aller au plus profond de tes émotions, de ce que tu ressens, de ce que tu as pu traverser en tant que jeune rookie dans la musique. Qu'as-tu voulu exprimer avec « Noé » ?

Kanoé : Avec Noé, mon but était de me révéler, de montrer qui je suis vraiment. Avant, les gens ne s'attardaient pas vraiment sur qui j'étais.

Ils me connaissaient pour mon humour, pour mes performances énergiques dans le rap.

Mais avec cet album, je voulais aller au-delà de cette image. J'y raconte mes histoires, mes expériences, tout ce qui me définit. En l'écoutant, les gens peuvent vraiment me comprendre.

Penses-tu avoir grandi trop vite ? Et surtout t’avoir exposé trop tôt à la médiatisation ?
 
Kanoé : J'ai toujours été avec les plus grands. J'ai tout fait tôt, fumer, teaser, j’ai toujours eu ce truc de vouloir être plus grand que mon âge. J’ai un peu précipité mon passage dans la vie adulte en quelque sorte. Après, je ne regrette absolument pas d’avoir été exposé à cet âge là car sinon, je n’y serais jamais parvenu.
 
Quand tu as lâché le freestyle qui t’a rendu célèbre, tu as été validé par des grands du rap. Quand tu viens de commencer ta carrière et de recevoir ce genre de confirmation, est-ce que tu ressens de la légitimité ?

Kanoé : Au tout début, quand tu es nouveau dans le game, tout est génial et tu penses que t'es au bon endroit. Mais rapidement, tu captes que derrière les paillettes, c'est un business hardcore. Des contrats, de la pression, le rap devient plus qu'une passion, c'est un taf à part entière. Moi, j'ai eu une sorte de réveil brutal. J'ai pris du recul, je me suis recentré sur ma vie perso. Parfois, même quand je suis avec mes potes, j'oublie que je suis rappeur, jusqu'à ce qu'ils me le rappellent. Le rap, c'est pas juste du flow et de la hype, c'est un job comme un autre, sauf que t'es sous les projecteurs H24. Quand tu entres dans ce monde, t'imagines un paradis, mais la réalité te frappe en plein visage : ce n'est pas le conte de fées que t'imaginais.

Si t'avais pas été rappeur, tu aurais fait quoi ? 

Kanoé : J'aurais été dans l'armée ou éducateur canin. J'ai toujours aimé les chiens. Pour moi, c’est le cheat code ultime de la société. Travailler avec des chiens et gagner sa vie, incroyable. 

Comment t'as commencé à écrire ? 

Kanoé : Pour imiter les grands de l’internat. Mon premier texte a explosé sur Twitter. C'était un buzz, mais ça a lancé ma carrière. C'est un mec de Twitter qui m'a baptisé« Kanoé » avec un K. J'ai pris ce blaze pour que les gens puissent me retrouver facilement. Après, j'ai posté mes textes sur Insta, captant l'attention au-delà d'un simple buzz Twitter. Ce qui a commencé comme un écho sur les réseaux sociaux a rapidement pris de l'ampleur

Qu'est ce qu'on peut souhaiter pour 2024 ?
 
Kanoé : Que les gens comprennent mon projet, qu'ils l'écoutent vraiment. Ma crainte, c'est qu'il passe inaperçu, qu'on l'entende mais qu'on ne l'écoute pas réellement. Avec ma team, on ne va pas se focaliser sur les chiffres, mais sur la qualité. Je vais promouvoir ce projet sur le long terme. Dans le rap, les chiffres peuvent être importants, mais pour moi, l'impact et la résonance sont ce qui compte vraiment.