Photographe Yagooz Styliste Ben Comuce Maquillage Claire Laugeois Direction Artistique Utile Ustentile
Au cinéma, il s’opère un accord tacite entre le réalisateur ou l’acteur, cela va de soi, et le spectateur. On emploiera ici une expression empruntée à notre tendre amie la littérature de « pacte de lecture », ici un « pacte de spectateur » mais utilisé de la même manière c’est-à-dire l’un propose une histoire, l’autre fait serment d’y croire et de la vivre le temps du visionnage.Mais twist, avec Salif, l'art n'est pas qu'une représentation ; c'est un dialogue, un défi. Un jeu de rôles habile et brut où il cherche moins à plaire qu'à interpeller, moins à jouer qu'à ressentir. Salif Cissé met en lumière l'essence profonde et la richesse émotionnelle du septième art, explorant chaque nuance avec une détermination sans faille. Une étoile montante, certes, mais avant tout un artiste passionné qui redéfinit le métier à chaque apparition. Il s'agit d'une quête incessante de vérité, que ce soit sur les planches ou sur grand écran.
Derrière chacune de ses performances se cache une volonté farouche de susciter une réflexion, de défier le statu quo, d’éveiller les consciences et comme il le dit si bien : « J'ai le souci de vouloir parler à des gens qui me ressemblent, qui nous ressemblent. » En d’autres termes, Salif ne s'arrête pas au simple divertissement : il ambitionne de marquer, de bouleverser, d'inspirer.
Pour mieux comprendre le phénomène Salif Cissé, nous avons eu l'honneur de le rencontrer lors d'une interview exclusive. Du rôle qui l'a propulsé sous les projecteurs avec À l’abordage à sa participation remarquée dans Lupin sur Netflix, en passant par son nouveau film Le Répondeur, rencontrez-le, lui, ses inspirations, ses craintes, et ses ambitions.
Dans le firmament cinématographique, Salif Cissé se révèle insatiable, incarnant avec brio la polyvalence, même si « la polyvalence est une sorte d'endurance et qu'il faut la mesurer à sa juste valeur et toujours faire en sorte de rester efficace », car autrement dit cette boulimie cinématographique peut vous engouffrer. Cette voracité l’amène à repousser sans cesse les frontières de son art en plein essor : « J'ai toujours été attiré par la polyvalence, j’aime tester les limites, et il y a une satisfaction indescriptible à ne pas se cantonner dans une seule case. » Soif insatiable d'exploration à la pulsion primitive, Salif Cissé la joue pleinement : « Je le vis de manière viscérale, bien au-delà de toute rationalité. Rester immobile n'est pas une option. » Pourtant, cette quête incessante de diversité artistique soulève des questionnements profonds. « Jack of all trades, master of none », un proverbe qui résume parfaitement son défi intérieur. « C’est difficile à traduire, mais pour essayer, imaginez un individu nommé Jack, avide de toute expérience, mais qui finit par se perdre dans sa soif insatiable », une métaphore dévoilant la complexité de son parcours. « Je tiens à exceller dans ce que j'entreprends, mais en même temps, il y a tellement de domaines qui m'attirent, même si je reconnais que je ne maîtrise pas encore, que je n'ose pas toujours m'y aventurer. »
Avec une force d’interprétation remarquée sur les planches de théâtre ou les studios de cinéma, Salif Cissé pose les bases en nous disant qu’il est là pour durer et échelonner toutes les étapes pour casser le plafond de verre. Une part significative de son éducation cinématographique, il la doit à l'association 1000 Visages, fondée par Houda Benyamina pour aider les jeunes talents en quête d'une carrière dans cet art ouvert à tous mais fermé au plus grand nombre. Salif veut rendre la pareille et considère désormais le partage comme une évidence, une responsabilité qu'il prend à cœur.
Marqué par Richard III de Shakespeare, Salif Cissé ne saurait quitter le théâtre. En témoignent ses nombreuses pièces dans lesquelles il a pu jouer comme les dernières, Walfare mise en scène par Julie Deliquet ou encore 1983 d’Alice Carré mise en scène par Margaux Eskenazi qu’il a pu jouer sur les planches du Théâtre des Abbesses. Il exprime son désir que les spectateurs puissent se reconnaître dans ses interprétations, dépeignant des personnages qui ressemblent à des personnes réelles. Pour lui, la responsabilité de raconter ces histoires authentiques est primordiale, loin de tout sensationnalisme ou travestissement : Remarqué au grand public pour sa prestation dans le film de Guillaume Brac, À l’abordage, tout a commencé au conservatoire.
« En terme d’expérience, c'est le vrai premier, avec un vrai rôle qui veut dire quelque chose. » Quant à son rapport avec le personnage de Chérif, il est complexe et profond : « Je pense que je l'ai détaché beaucoup de moi, parce que j'en avais besoin quand je le jouais. Mais finalement, ça fait partie de moi-même. » Il envisage chaque rôle comme une page dans un livre de collection. Chaque personnage, une trace indélébile : « En tout cas, moi c'est ce que je fais et lui, il n'a pas de page dans mon livre de collection. Pour moi c’est un tout, c’est le Blueprint original. »
Une fois les premiers pas effectués, la machine fut lancée.
Face à l'ampleur des productions américaines, Salif voit un paysage riche en possibilités.
« Aux États-Unis, il y a dans cette industrie cinématographique, une immensité de choix. Le souci de représentation est beaucoup plus important et, pour moi, c'est évidemment un combat inhérent. »
Inspiré par des séries telles que Atlanta et Ramy, il aspire à parler à une génération qui, comme lui, cherche à se refléter à l'écran. Il conclut par une note d'action : « Je suis un homme d’action. J'ai le souci de vouloir parler à des gens qui me ressemblent. »
Avec un pied dans chaque monde, Salif navigue entre la grandeur des productions américaines et l'authenticité des séries françaises, cherchant toujours à offrir une performance sincère et mémorable.
Tout en oscillant entre ces deux univers, son héritage africain reste un pilier inébranlable qui façonne sa perspective et son art.
Quand on évoque la diaspora africaine, les sentiments se mêlent entre appartenance, responsabilité et reconnaissance. « Tout ce que je peux faire pour apporter à la culture, j'aimerais en être », cependant, une nuance importante se dégage de ses paroles : « Je veux trouver un moyen pour apporter ma pierre à l’édifice sans pour autant m'approprier ces histoires. » Il s'agit ici d'une réflexion profonde sur l'authenticité, la légitimité et la responsabilité. Un équilibre entre être un ambassadeur de sa culture et reconnaître que certaines histoires sont mieux racontées par ceux qui les vivent de l’intérieur.
Sa relation avec le continent africain est teintée d'admiration et de respect : « Nous sommes conscients de nos origines et nous n'oublierons jamais d'où nous venons. » Il cite l'exemple de Patrick Vieira, ancien footballeur international, qui après avoir fait carrière en France, est retourné au Sénégal pour contribuer au développement du football local. « Cet exemple-là, il me parle beaucoup parce que à la fin des fins, tout revient vers l’Afrique », affirme-t-il.