Un dimanche à Paris : la fête de Ganesh, kaléidoscope à la Chapelle

Par Alexandre

28/08/2023

Paris, dernier dimanche d’août. En cette chaude fin d’été, le quartier de La Chapelle est animé par une énergie débordante. Comme chaque année, plusieurs milliers de personnes sont rassemblées, le temps d’une journée, pour célébrer la fin de la fête hindoue de Ganesh, également appelé Vinayâka.
Dieu à tête d’éléphant incarnant la sagesse et l’intelligence, considéré comme le protecteur du foyer et le patron des écoles, Ganesh occupe une place à part dans la religion hindoue. Parce qu’il faut le prier avant tout autre dieu, parce que l’éléphant est un des animaux sacrés de la religion hindoue, Ganesh est à la fois un phare et un pilier pour des centaines de millions de croyants dans le monde. En France, on estime le nombre de fidèles hindous à 200 000.

Photographie : Elie Zinsou Journaliste : Léonoard Der Markerian

A Paris, la fête est pour la première fois organisée au milieu des années 1990. Après des premières années où la fête de Ganesh était vue avec défiance des autorités, au point de l’interdire, celle-ci est progressivement devenue un moment important de la fin de l’été parisien.
Elle a été créée par des membres de la communauté tamoule sri-lankaise, en exil en France depuis le milieu des années 1980 après avoir fui un conflit séparatiste ayant ravagé jusqu’à la fin des années 2000 ce petit Etat insulaire situé au sud de l’Inde. New York a Chinatown et Little Italy ? Paris a Little Jaffna et Little India ! Le premier — du nom de la plus grande ville tamoule sri-lankaise, à la pointe nord du Sri Lanka — est situé autour de la place de la Chapelle, entre la Gare du Nord et les Jardins d’Eole. Little India est quant à elle situé près de la Gare de l’Est.
Les hindous Tamouls Sri-Lankais, majoritaires au sein du cortège, ne sauraient faire oublier les hindous Pakistanais, Indiens, Mauriciens ou Bengalis, qui font également partie de la procession. Au-delà des croyants venant de Paris et d’Île-de-France, badauds, curieux et habitants du quartier se mêlent à la procession pour honorer Ganesh autour du Sri Manicka Vinayakar Alayam, plus grand temple hindou de France.

C’est de ce temple situé rue Pajol (18ème) que part la procession. Devant celui-ci, encadrés par les prêtres hindous, des fidèles préparent les paniers d’offrandes remplis de noix de cocos, de bananes, de fruits, de bâtons d’encens et de fleurs. La foule, rangée de chaque côté de la rue, attend avec impatience le passage de plusieurs chars richement décorés, tirés par des dizaines de fidèles, sur lesquels trônent les statues des divinités honorées : Ganesh évidemment, mais également son frère Muruga et Amman, déesse de la pluie et de la fertilité.
La procession composée des prêtres, de danseurs portant des grands arceaux de plumes de paons et de musiciens jouant du tavil (tambour) et du nâgaswaram (hautvois) va faire le tour des rues de Little Jaffna. A plusieurs carrefours, devant des boutiques, le cortège s’arrête et fait un cercle. Soudain, des bruits, répétés : des centaines de noix de coco sont méticuleusement jetées au sol.

Objets symboliques offerts au dieu Ganesh, fruit essentiel de l’hindouisme, les noix de cocos reflètent par leur composition l’individu, le monde et le divin. Casser une noix de coco et l’offrir à Ganesh, c’est symboliquement offrir son cœur et briser les barrières entravant le rapport de l’individu à l’univers. Pour les commerçants du quartier, ce geste prend une signification particulière : en s’en remettant à Ganesh, ils s’assurent également de sa protection dans leurs activités.

Après avoir arpenté les rues de Little Jaffna durant plusieurs heures et couvert d’offrandes le quartier, les chars reviennent au temple. Les statues sorties ce jour retourneront à l’intérieur de ce dernier jusqu’à l’été suivant, préservées de la ferveur de la fête et du bruit de la ville. Au terme de cette riche journée et à la veille de la rentrée, fidèles, badauds et curieux reprennent le cours de leurs vies, espérant se retrouver toujours plus nombreux et divers l’année prochaine.