Thierry Maignan : Photographier pour exister
À 35 ans, Thierry Maignan, infirmier de profession et photographe autodidacte, expose pour la première fois en solo à Paris. Son exposition « Before », visible à la galerie B50 jusqu’au 4 juillet, résonne comme un manifeste visuel fort, intime et politique. Rencontre avec un artiste qui revendique, à travers l’objectif, le droit d’exister.
D’origine haïtienne et guyanaise, Thierry Maignan grandit en région parisienne, dans des quartiers multiculturels. Son premier contact avec la photo remonte aux années 90, avec les appareils jetables. Mais c’est en observant la diversité autour de lui qu’il développe un regard attentif aux histoires des autres. “J’ai grandi avec des amis maghrébins, asiatiques, européens. Ce métissage m’a construit, politiquement et visuellement.”
Avant la photographie, il y a la peinture, inspirée par Jean-Michel Basquiat, artiste afro-américain dont le parcours résonne avec le sien. C’est la découverte du travail de Vivian Maier et Gary Winogrand qui déclenche chez lui une révélation : “En une image, ils me faisaient ressentir ce que je mettais des jours à exprimer en peinture.”
Une photo instantanée, humaine et sensible, qui le pousse à arpenter les rues, à la recherche d’instants de vérité. Il travaille en noir et blanc, un choix esthétique et émotionnel : “Je vois le monde en couleur, mais je le montre en noir et blanc pour mettre en avant l’âme des gens.”

Before : entre mémoire et affirmation
Pourquoi “Before” ? Le titre de l’exposition, qui précède la sortie prochaine de son livre, interroge le passé colonial, l’identité et la légitimité. “On est souvent vus comme des étrangers. Mais on est là, et on fait partie de cette histoire. Before, c’est ce qui s’est passé avant, c’est l’Histoire qu’il faut regarder pour comprendre le présent.”
La photographie de Thierry Maignan n’est pas seulement esthétique. Elle est politique. Photographier des personnes racisées dans la rue, c’est affirmer leur présence dans l’espace public. “On est souvent invisibles. Moi, je montre qu’on est là, qu’on vit, qu’on est français.”
Avec tendresse et engagement, Maignan documente un “Paris noir” souvent absent des représentations classiques. Château Rouge, Barbès, Belleville : ses images révèlent une autre géographie de la capitale, celle de ses souvenirs et de sa communauté.
“Ce que je montre, c’est une contre-ville, une contre-histoire. Ce Paris-là, on ne le voit pas à la télé. Mais il existe, et il est beau.”

Malgré la force du propos, Maignan revendique une esthétique classique, fidèle à ses influences. Il assume la sobriété de la rue, l’instant volé, la composition équilibrée. “Je ne cherche pas à révolutionner. Je veux montrer que la photo de rue en noir et blanc peut encore parler aujourd’hui, qu’elle n’est pas réservée aux anciens.”
Avec cette exposition, il espère inspirer : “Je veux que les jeunes, noirs ou non, voient qu’on peut exposer sans réseau, sans école. Que c’est possible.”
Un espoir transmis à travers chaque cliché, entre pudeur et vérité brute.