En quoi consiste le métier de scénariste ?
Le métier de scénariste est universel. Depuis toujours, on nous raconte des histoires, que ce soit à travers les films ou les livres. Un scénariste, c’est quelqu’un qui maîtrise les règles de la narration et décide d'en faire son métier. Ce qui compte, c’est l’imagination, la créativité, et l’endurance. Personne ne produit un bon scénario au premier jet.
À quel moment le métier de scénariste est-il devenu sérieux pour toi ?
Après Cannes. J'étais à la recherche d'un vrai boulot, mais quand Pierre Javaux nous a signé, ça m'a permis de mettre un pied dans l'industrie. J'avais besoin de l'approbation de mon père. Je me souviens qu’il m’a dit une phrase que je n’ai jamais vraiment comprise : « Soit Jamel, soit Mimi Mathy. » Je l'ai pris comme une validation et à partir de là, je n'ai jamais eu de métier "classique".
Quelles sont les difficultés que tu rencontres en tant que scénariste ?
La première difficulté, c’est qu’en France, ce métier est moins considéré qu’aux États-Unis. Très peu de scénaristes vivent de leur travail. Je crois qu’environ 3 % des scénaristes gagnent plus de 2000 euros par mois. Beaucoup ne vendent qu’un seul scénario. Il faut aussi savoir mettre son égo de côté, car un scénario est fait pour être incarné en images et non pour exister en tant que tel.
Comment s’est déroulé le tournage ?
Le tournage a été épique. On tournait à l’île Maurice, sur les chemins empruntés par les esclaves marrons. La nature s'est déchaînée, avec beaucoup de pluie et de vent. Mais mon acteur principal, Ibrahim, m’a dit que c’était une manière pour l’île de nous honorer. Ça a changé ma perspective et, malgré les difficultés, j’ai senti qu’on capturait quelque chose de puissant.
De quoi parle ton film Ni chaîne ni maître ?
C’est l’histoire d’un père et de sa fille, Massamba et Matie, esclaves dans une plantation de canne à sucre. Massamba rêve que sa fille soit affranchie, mais Matie veut marronner, c'est-à-dire s'enfuir. Elle s’évade, et une chasseuse d’esclaves est engagée pour la retrouver. Le père s’échappe à son tour pour la retrouver avant la chasseuse. C’est un survival qui parle du marronnage.
Un film français sur l’esclavage, ce n’est pas fréquent ?
J’ai découvert la porte du non-retour à Ouida au Bénin, et ça m’a marqué. L’histoire de l’esclavage m’a toujours mis en colère, mais j’ai aussi découvert le marronnage à travers des auteurs comme Aimé Césaire, Édouard Glissant, et ça m’a donné de l’espoir. Il y a toujours eu des hommes et des femmes qui ont brisé leurs chaînes. C’est ce que je voulais montrer avec ce film.
Et c'est vrai que j'avais vu Ibrahim Ambay dans l'Atlantique. Il avait un rôle secondaire, mais il dégageait un charisme incroyable. Je l'ai revu à Dakar. Comme c'était essentiel d'aller là-bas pour capter l'essence des héros. Quand je l'ai rencontré à Dakar, il a tout donné. Puissance dramaturgique, énergie vitale. Par contre, pour le rôle de Mathie, sa fille, ça a été un processus beaucoup plus long. On a fait passer un casting à 500 jeunes filles à Dakar. De ce groupe, Imane Jeun.